je traverse la place, elle est molle, elle grandit et rétrécit dans un même mouvement, une place de pays des merveilles, un place rose et bleu et crème glacée, je m’enfonce dans la place un pied après l’autre, marécage pastel
je cherche une issue systémique
je traverse la place molle et rose et bleu et crème glacée, l’été est parti et les voix des types au café suivent une trajectoire contradictoire, le type décide de pas répondre, à qui je ne sais pas, la place résonne les bruits les pas les voix des types
une voiture passe, je me pousse d'un coup d'épaule
la voix du type prend trop de place je trébuche et lâche un juron qui résonne sur les murs des maisons rose et bleu et crème glacée de la place molle
je me rattrape par la main et flotte un peu avant l'horizontale, ma chaussure s'évade, je ramasse mon pied à deux mains, sacrifie une chaussure dans la place molle
sans transition, le type décide de reprendre une bière
les rires s’étirent et glissent sur la place, je retrouve la verticale
je poursuis à cloche pieds, une chaussure une chaussette une chaussure une chaussette mes pieds circulent à vive allure, je resterai bien un peu sur la place molle mais mon pied chaussette a froid
j’accélère, ma traversée s'épuise, je quitte la place dans une rupture conventionnelle, elle rétrécit un peu, fait moins la molle
je continue ma route déséquilibrée, je minute de silence dans le souvenir de la place molle, la voix du type et ma chaussure engloutie
[résidence Tigre]